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Entretien avec Vincent Aubrée, Directeur communication et marketing chez Destination Rennes

Updated: Jun 22, 2022



Vincent Aubrée, directeur de la com marketing chez Destination Rennes, nous a fait part de sa longue expérience sur le marché breton et a exprmié l'importance que la Bretagne à sur l'ensemble du commerce rennais.






Pour commencer, pouvez-vous vous présenter, nous expliquer votre parcours professionnel et ce que vous faites actuellement ?


Je suis Vincent Aubrée, je suis directeur de la com marketing chez Destination Rennes, qui est une société publique locale que j’ai co-créée en 2013. Auparavant j’étais directeur général adjoint au niveau de la communication de la métropole Rennaise de 1999 à 2013. Avant j’ai dirigé plusieurs départements de communication à travers la France, à Nancy, en Normandie. Et puis si on remonte encore plus, j’étais sur Paris, j’ai travaillé beaucoup dans les médias : Canal +, la radio. Je suis Rennais de naissance.

Au sein de Destination Rennes, on a construit l’entreprise en 2013 avec une logique d’attractivité du territoire, donc une logique marketing territorial, qui était de vendre Rennes sur les marchés et les segments autour du miles, donc tout ce qui est rencontres professionnelles, puisqu’on avait construit le courant déjà commun, et donc le premier centre de congrès, puisqu’il n’y en avait pas. On a également intégré dans cette logique là tout ce qui était touristique et à partir de 2017 Rennes Métropole nous a confié la communication économique. Aujourd’hui à Destination Rennes on est une centaine et au niveau de la direction on est une vingtaine.


Vous nous aviez dit que vous étiez Rennais d’origine, aviez-vous une vision particulière de la Bretagne, avez-vous été sensibilisé par certaines campagnes de communication avant d’être dans le sujet ?


C’est une bonne question, ça dépend de quoi vous parlez, si jamais vous parlez de quand j’avais votre âge ou 30 ans, 40 ans ou 50 ans. Ce n’est pas pareil du tout. Quand j’étais plus jeune et que j’étais Rennais, j’ai fait mes études à Rennes, que ce soit primaire, secondaire, la fac un peu : peu de vision « d’identité bretonne », en dehors des discussions à la fac ou au lycée, c’est vrai qu’on a toujours su qu’on était la capitale de la Bretagne, ça oui, mais ce que ça avait comme sens c’est autre chose. Moi par exemple, j’ai mes grand parents qui étaient sur Cesson et sur Betton, ils n’ont jamais parlé breton. C’est un point quand même très important, c’est qu’en Bretagne on parle pas breton sauf dans certains coins, donc le Finistère et une partie du Morbihan et encore pas partout et une toute petite partie des côtes d’Armor. Pour le reste, il s’agit du gallo. Par exemple, moi au bac j’ai passé gallo. A Saint Vincent c’était Gallo, on n’a jamais parlé breton, donc voilà c’est toujours intéressant de reprendre l’histoire quand même, c’est important. Mes grandes mères, elles parlent gallo, c’est pour ça que c’était différent. Moi je m’en suis aperçu quand je suis parti, je suis parti à Paris. C’est à partir du moment où on part, et je ne suis pas le seul, on en discute beaucoup entre copains et tous ceux qui sont à Paris, dès que je suis arrivée à Paris on m’a appelé Le breton et partout où je suis allé, vraiment partout partout, en Loraine, dans l’est de la France, partout, partout. Et c’est là qu’on en prend conscience, c’est pas anodin d’arriver de Bretagne, et vu de l’extérieur apparemment c’est très important. Au fur et à mesure quand on vieillit et qu’on travaille dans le marketing territorial on voit la puissance de feu, de la Bretagne, de sa marque. Là on a vraiment une approche, pour les campagnes c’est un peu plus compliqué, je mentirais en vous disant que je me rappelle très bien de toutes les campagnes, c’est faux. Maintenant moi je participe au marketing depuis 2015, j’ai été associé très vite à tout l’univers de communication Bretagne, avec le comité régional de tourisme, je suis membre du comité de la marque Bretagne, je suis membre du comité marketing de Bretagne, au niveau économique donc évidement que pour moi c’est un point très important. Le logo de destination Rennes que j’ai créé, vous verrez que c’est pas par hasard si je l’ai créé comme ça. Tout est lié à la marque Bretagne, sur lequel j’ai travaillé quand j’étais directeur général de la com de Rennes métropole en 2009/2010 avec à l’époque Anne MIRIEL et je faisais partie du comité de réflexion sur la marque Bretagne.


Que représente la Bretagne pour votre institution, pour destination Rennes ?


Elle représente tout ! Pour nous c’est la base, quand on se vend on se vend obligatoirement avec la marque bBretagne. On est la capitale de la Bretagne, c’est un point quand même très important. Quand on véhicule un certain nombre de clés et l’identité bretonne... là on revient de Montpellier, on avait des kouign amann et la galette saucisse (ça c’est Rennais) et tout cet univers-là. Il y a des bretons partout, partout où on va, à Marseille, à Bruxelles... On a une diaspora bretonne. Quand on était à Montpellier on a trouvé en quelques heures, via Facebook, des danseurs et musiciens bretons, donc ils sont venus jouer et on a fait tout un travail avec un DJ pour montrer tout le travail de la Bretagne : il y a le folklore mais on ne tient pas trop à ce que ce soit la seule chose à affirmer. A Rennes, on veut montrer ce qu’est la Bretagne, le dynamisme économique, le dynamisme culturel, sportif... On se doit ce rôle de locomotive, la Bretagne c’est un ensemble, au niveau touristique c’est très important, c’est parfois un peu lent, en termes de convergence mais la Bretagne c’est pas que le littoral. On a la chance d’avoir un littoral breton extraordinaire mais c’est pas que ça : c’est la dessus qu’on se bat, on a une capitale et on a une métropole qui est aujourd’hui reconnue et qui a une réputation très positive. On est toujours dans le top 5 de tellement de choses, qu’on sait plus trop d’ailleurs. On a une attractivité démographique qui est juste incroyable et parfois inquiétante mais c’est aussi ça l’attractivité touristique, c’est le tourisme urbain. Et il faut que la Bretagne montre qu’elle est magnifique mais qu’elle a aussi 2 métropoles, Brest et Rennes qui ont une activité forte et surtout des territoires dont on parle un peu moins qui sont également extraordinaires, c’est ça le défi pour moi dans les années à venir : pouvoir affirmer toutes les offres bretonnes, et ça pour l’instant c’est pas fait.

Quelles peuvent être les autres problématiques futures ?

Il y a beaucoup de choses on a des défis qui sont juste gigantesques, puisqu’on est confrontés aujourd’hui à une crise majeure qui dépasse la covid ou ce qu’on entend au niveau des médias et c’est la crise climatique. Aujourd’hui tous les territoires, comme l’activité reprend, on se retrouve de nouveau et on peut discuter et on voit à quel point on est rendu dans cette problématique, on tend maintenant vers une transition, transition qui n’est pas qu’environnementale, transition qui est très large et très impactante et donc la communication et le marketing territorial, en particulier pour la Bretagne est totalement impactée par ça. On en discute aussi entre nous avec les BDI, les CRT avec tous les acteurs bretons. Demain, qu’est-ce qu’on dit ? Qu’est ce qu’on raconte de la Bretagne ? Là on voit bien si on prend le tourisme, aujourd’hui on parle de slow tourisme et aussi tourisme tranquille, c’est aussi le local tourisme, tourisme de proximité et aussi un certain nombre de choses qui remettent en question les modèles, les modèles sur lesquels on a tous travaillé et peut-être abusé et ça je crois que maintenant il faut vraiment s’en rendre compte, c’est justement cette problématique de marketing, c’est-à-dire qu’est-ce qu’on veut raconter demain, qu’est-ce qu’on veut vendre ? Et comment va-t-on travailler différemment entre nous avec des modèles de développement qui ne sont plus ceux qu’on avait jusqu’à présent. C’est complexe mais c’est la priorité, et nous sommes tous confrontés à ce problème-là.


Comment la marque Bretagne est-elle un levier de développement ?


Le levier de développement c’est tout simplement la force de la marque Bretagne, c’est-à-dire que la marque Bretagne aujourd’hui au niveau international, pas partout, mais dans un grand nombre de territoires ou de marchés, elle existe, c’est-à-dire qu’elle est identifiée. Elle a des valeurs aussi. Ses valeurs sont positives. Cette marque Bretagne embarque donc l’ensemble des acteurs bretons. L’idéal donc, que ce soit Rennes ou de plus petits territoires, c’est toujours de pouvoir véhiculer ces valeurs pour clairement être identifiée sur des marchés. Pour nous c’est totalement évident, c’est une force sur laquelle on doit s’appuyer, on s’appuie et on s’appuiera.


Est-ce que la culture bretonne a réellement une place dans votre communication ? Est-ce que vous jouez un peu des clichés et des stéréotypes pour toucher certaines cibles ?


Cela dépend de ce qu’on appelle la culture bretonne. Il y a le folklore breton, il y a l’histoire

bretonne, mais qui n’est pas la même du tout, à 50kms près on n’est plus du tout sur la même

logique. Après il faut à la fois tenir compte de son passé, de son histoire, c’est fondamental. Et il faut surtout aussi montrer ce qu’est la culture bretonne mais d’aujourd’hui, donc les festivals c’est quand même la région de France où il y a le plus de festivals, donc ce n’est pas anodin. Il n’y pas qu’à Rennes, il y a plein de festivals partout, en particulier le plus grand qui se tient à Carhaix mais on a aussi les Interceptiques, les Trans musicales, Mythos...on a plein de choses ! C’est un bouillonnement cette région. La culture bretonne elle est là. Il y aussi tout ce qui est l’approche sportive. On a un territoire très sportif. Il y a les clubs de foot, c’est ce qui est le plus visible, c’est très important puisque Brest, Lorient, Rennes, déjà rien que ça, ça véhicule des images et des valeurs parce que c’est aussi des clubs qui sont plutôt vis-à-vis de leur public, leurs supporteurs plutôt modérés, c’est bien ça la Bretagne, parce que même politiquement c’est aussi modéré, si vous avez vu les résultats dimanche soir, vous verrez qu’en Bretagne il y a très peu d’extrême droite. C’est la région où il n’y en a pratiquement pas. Ce n’est pas anodin. Ça veut dire beaucoup de choses. C’est issu de la culture bretonne.

La culture au sens large du terme, il y a énormément de choses à véhiculer. Nous on travaille

beaucoup sur la gastronomie. Ça pour nous c’est une valeur très forte. A la fois nous ce qu’on fait à Rennes qui est très riche, mais aussi, vous connaissez, les galettes, les crêpes, c’est une chose, mais il y a aussi le beurre, tous les produits laitiers, on est aussi le plus gros producteur porcin aussi. Et tout ce qui est lié à la pêche, tout ce qui est lié aux produits de la mer donc les fruits de mer, le poisson, donc on est une région qui est juste extraordinaire à ce niveau-là aussi. C’est très riche !


La culture comme vous le dites c’est pour nous source de créativité et très clairement c’est une puissance de feu dont on se sert beaucoup.


Est-ce que parfois cela peut-il être des freins au niveau des stéréotypes ?


On essaye d’éviter les stéréotypes. Oui si jamais on le faisait trop ce serait un frein parce que les études qui ont été faites depuis 10ans sur la Bretagne, et il y en a eu 2 importantes qui ont été faites dans les années 2010, c’était ça, c’était « attention aux stéréotypes » qui peuvent devenir des freins, c’est-à-dire des moqueries ou justement le fait d’identifier la Bretagne comme étant quelque chose d’arriéré, alors que ce n’est pas du tout ça. C’est vraiment l’inverse, par exemple en termes d’innovation, en recherche...c’est vraiment une région qui est à la pointe.


De votre point de vue est-ce que la Bretagne est une marque à part entière ? Est-ce qu’elle peut être [par exemple, par rapport à d’autres régions, comme vous l’avez un peu dit on a vraiment une identité forte], est-ce que c’est vraiment une marque en elle-même ?


C’est une marque à part entière sans aucun problème. Le plus gros congrès qu’on réalise en France, qui s’appelle le Place Marketing Forum qui a lieu chaque année, là il était à Grenoble cette année, à chaque fois en effet il y a ce genre de classement. Tout ce qui est lié à la réputation. Et c’est toujours la marque Bretagne qui sort en 1er. Donc il y a des marques très fortes en France, dont il y a déjà des territoires forts donc la Bretagne, le Pays basque, la Corse, l’Alsace. Ca ce sont des territoires avec une très forte identité, et puis ensuite comme vous le dites il y a des territoires avec une marque forte. Je pense qu’aujourd’hui les deux territoires qui ont la marque la plus puissante et la mieux identifiée c’est la Bretagne et l’Alsace.


Est-ce que vous avez des projets à venir en termes de communication marketing qui pourraient être intéressants par rapport à la culture bretonne ?


Il y a beaucoup de projets oui. Nous on travaille beaucoup sur tout ce qui est évènementiel donc à l’extérieur [donc justement j’ai une réunion juste après sur Bruxelles] où on a beaucoup de choses qui sont déclinées et puis après on travaille sur énormément d’offres touristiques, sur la route du Rhum par exemple on va être très présents avec St Malo, on essaye de travailler en coopération aussi avec d’autres acteurs bretons, donc oui on a beaucoup de projets ça oui ça ne manque pas.


La communication pour le public étranger est forcément différente, en quoi diffère-t-elle de celle pour la population française ?


Il y a plusieurs réponses à ça. Il y aussi un énorme changement depuis la crise sanitaire donc on a plusieurs marchés, on a des marchés lointains et des marchés européens et marchés de proximité. Par rapport à votre question sur l’étranger, les marchés lointains on a complètement arrêté.


Pour quelles raisons ?


Pour la principale raison qui est qu’aujourd’hui, il y a deux raisons : le fait que ces marchés soient totalement bloqués. L’Asie par exemple, en 2018 et 2019 je suis allé deux fois en Chine pour regarder quel type de partenariat on pourrait monter. On avait aussi le Japon : fermé. On avait Hong Kong, quelqu’un chez nous qui travaillait là-dessus mais qui ne fait plus rien. Donc ces marchés-là ils ont été complètement stoppés et repositionnés sur par exemple le marché européen mais en fait pas énormément. Cette année par exemple on travaille sur la Belgique et sur la Suisse puisque moi je reviens de Lausanne là. Pour des raisons assez simples c’est des connexions qui sont courtes. La Belgique c’est une liaison directe en train et la Suisse c’est une liaison directe en avion sur Genève. Et l’autre problème qu’il faut maintenant soulever aussi c’est qu’on a une gouvernance politique qui ne souhaite plus trop qu’on travaille sur les marchés lointains à cause de l’impact carbone. On est aujourd’hui confronté à cette logique-là. Tous les services ont cette logique-là du bilan carbone, donc moi j’ai suivi l’année dernière une formation l’année dernière pour vraiment maîtriser le bilan carbone et je demande à chacun, dans mes équipes tout le monde doit avoir une réflexion sur l’impact carbone. Et donc évidemment si on développe des choses vers la Chine et tout, on est plus trop en phase avec l’attente politique.


Vous vous concentrez vraiment sur un tourisme local et de proximité ?


Oui on essaye de retravailler cette stratégie. Rennes métropole a redéfini sa stratégie de développement touristique en tenant compte de cette approche-là. Et il y a aussi un point qu’on retrouve maintenant pratiquement dans toutes les destinations, c’est la prise en compte de l’habitant. C’est un point très important, c’est comment habitant/visiteur en fait au final même chose. Bon après nous on a toujours fait ça donc ça nous paraît logique. Il n’y a pas de dissociation ou de différenciation par rapport à ça. Et puis l’autre point c’est l’attractivité résidentielle. Donc c’est : comment il est intéressant ou attractif d’habiter sur un territoire ou une destination. C’est une approche un peu différente mais qui au final, on se retrouve plutôt bien sur les logiques et ce qu’on appelle nos story-tellings, tout ce qu’on doit raconter, et qui est plutôt en phase avec ce qu’on développe depuis maintenant quelques années. Mais ça c’est valable vraiment pratiquement sur toutes les métropoles françaises pour avoir discuté avec pas mal d’entre elles dont certaines qui faisaient pas du tout ça et qui ont changé radicalement de stratégie.

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